Il existe 210 conseils de prud’hommes en France, ils ont tous comme ancêtre le Conseil de prud’hommes de Lyon fondé par la loi du 18 mars 1806.
Tous les ans, plus de 150 000 affaires sont instruites au fond devant ces conseils, plus de 30 000 le sont en référé.
Structure et compétence des conseils de prud’hommes
La composition de cette juridiction présente tout d’abord deux caractéristiques majeures : Il s’agit d’une juridiction élective et paritaire.
Les conseils des prud’hommes étaient une juridiction élective jusqu’à la loi 2014-1528 du 18 Décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud’hommes qui changera la nature élective. Alors que les conseillers prud’hommes étaient élus au suffrage direct, à la fin de l’année 2017, ils seront désignés et non plus élus. Il n’en demeure pas moins important de rappeler ici la nature historique de cette juridiction qui demeurera marquée par son caractère électif.
La juridiction est dite paritaire. Ainsi les conseils prud’hommes, mais aussi leurs diverses formations présentent un nombre égal de salariés et d’employeurs en application de du principe de parité posé par l’article L 1421-1 du Code du travail.
Le bureau de jugement doit être composé d’un nombre égal d’employeurs et de salariés.
Ce principe de parité s’applique également à la présidence du conseil : en effet le président de chaque juridiction, section ou chambre a nécessairement comme vice-président un membre de l’autre collège ; le président étant chaque année élu alternativement dans chaque collège.
Ce système contribue à favoriser l’impartialité de la juridiction, dont le respect est garanti tant par le droit interne que par l’article 6.1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Par ailleurs, le conseil des prud’hommes est composé de cinq sections avec chacune un effectif de conseillers propre :
- La section de l’encadrement
- La section de l’industrie
- La section du commerce et des services commerciaux
- La section de l’agriculture
- La section des activités diverses
Un minimum de six conseillers (trois salariés et trois employeurs) compose chaque section.
Chaque section dispose d’un président et d’un vice-président.
Dans le cas où cela est justifié par le nombre d’affaires, ces sections peuvent être divisées en chambres.
Une chambre comporte au minimum quatre conseillers employeurs et quatre conseillers salariés.
Chaque section (et chambre si elle existe) est composée d’un bureau de conciliation et d’orientation et d’un bureau de jugement.
Parallèlement à ces cinq sections, il existe une formation en référé commune à toutes les sections ainsi qu’une formation de départage.
Une particularité : Le juge départiteur.
Il arrive parfois en raison de la nature paritaire de la juridiction prud’homale, qu’aucune majorité ne puisse être atteinte, c’est alors et uniquement dans ce cas de figure que le juge départiteur intervient.
L’affaire est renvoyée (dans le délai d’un mois pour la conciliation et le jugement ou quinze jours pour le référé) à une audience de départage devant la même formation à laquelle vient se rajouter le juge départiteur qui la préside.
C’est le juge départiteur qui rend la décision.
Le juge départiteur est désigné par le Premier président de la Cour d’appel.
Dans l’ordre judiciaire, le conseil de prud’hommes est une juridiction spécialisée.
Par conséquent, il ne peut connaître que des litiges sur lesquels les textes lui attribuent une compétence exclusive, en application de l’article L1411-4 du Code du travail.
Dès lors il est impossible pour les conseils de prud’hommes de trancher des litiges dont la loi donne compétence à une autre juridiction.
A défaut d’une loi attribuant expressément compétence à une autre juridiction, il ressort des dispositions des articles L 1411-1 du Code du travail que la juridiction prud’homale a pleine compétence pour connaître des litiges nés du contrat de travail de droit privé liant l’employeur au salarié.
Sa compétence porte, également, sur les litiges postérieurs à l’exécution du contrat de travail même si les relations contractuelles ont été rompues.
En résumé, il est établi que le conseil de prud’hommes est compétent ratione materiae lorsque le litige révèle :
- L’existence d’un contrat de travail,
- La présence d’un rapport de droit privé,
- La survenance d’un litige individuel du travail,
Ainsi il faut impérativement qu’un contrat de travail lie l’employeur au salarié pour que le conseil de prud’hommes soit compétent. Si aucun formalisme n’encadre le contrat de travail, l’existence de ce dernier sera retenue dès lors que trois éléments sont réunis :
- Une prestation de travail
- Un lien de subordination entre l’employeur et le salarié
- Une rémunération en contrepartie de cette prestation
Il est à noter que la charge de la preuve du contrat de travail appartient à celui qui se prétend salarié, du fait de la présomption de non salariat. Au contraire, il appartiendra à la partie qui soulève son caractère fictif d’en rapporter la preuve, si le contrat de travail est apparent.
De même, seuls les contrats de travail de droit privé relèvent de cette juridiction. Concernant le personnel des services publics l’article L 1411-2 du Code du travail prévoit la compétence du conseil des prud’hommes dès lors que le « salarié » est employé dans des conditions de droit privé. Il convient également de préciser qu’un agent public, à l’instant où il est mis à disposition d’une personne morale de droit privé relève de la compétence du conseil de prud’hommes.
Concernant la compétence territoriale, il existe au minimum un conseil de prud’hommes dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Pour des raisons tant géographiques qu’économiques il peut exister plusieurs conseils de prud’hommes dans le ressort d’un même TGI.
Dans le ressort de la Cour d’appel d’Aix en Provence on dénombre 11 conseils de prud’hommes :
- Nice
- Cannes
- Grasse
- Fréjus
- Draguignan
- Digne les Bains
- Arles
- Martigues
- Marseille
- Aix en Provence
- Toulon
La Procédure devant la juridiction prud’homale
La saisine de la juridiction
Il ressort des dispositions de l’article R 1452-1 du Code du travail que la demande doit être faite sous forme de requête ou de présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation.
Deux constatations doivent être faite immédiatement :
- L’assignation par huissier n’est donc pas un mode de saisine de cette juridiction
- Si la présentation volontaire des parties est un mode de saisine, dans la pratique son utilisation est tellement rare qu’il est inutile de décrire plus en détails ce mode de saisine ici.
La requête peut être faite par le demandeur lui-même en se présentant à l’accueil du public du conseil de prud’hommes compétent. Il aura alors à remplir un formulaire pour que sa demande soit recevable.
La saisine peut également être faite par un mandataire autre qu’un avocat. Ce dernier devra alors être muni d’un pouvoir spécifique rédigé sur papier libre, et spécifiant l’étendue de ce dernier.
La saisine peut être faite par avocat sur la demande de son client. L’avocat est dispensé de l’obligation de devoir justifier d’un pouvoir spécial.
Dans tous les cas, la requête peut être adressée au greffe du conseil par lettre recommandée avec accusé de réception qui permettra de prouver l’envoi de la requête. Il est utile de préciser ici que c’est à la date de l’envoi de la lettre recommandée qu’est saisie la juridiction.
Cette requête doit comporter les mentions prescrites à l’article 58 du Code de procédure civile :
« 1° Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
2° L’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
3° L’objet de la demande »,
Elle doit aussi comporter les motifs de la demande et les pièces venant fonder cette dernière.
On peut résumer les conditions de validité de la forme de la requête par la présence obligatoire des 9 éléments suivants :
- La demande : saisine du Bureau de conciliation, du Bureau de jugement ou de la formation de référé ;
- L’identité du demandeur;
- Les informations relatives à l’assistance ou la représentation du demandeur dans le cadre de l’instance. Qui peut se faire par un avocat, un salarié, un conjoint ou un défenseur syndical ;
- L’identité détaillée de l’employeur;
- Toute information relative à l’existence d’une éventuelle procédure collective ouverte contre l’employeur visé ;
- Tout renseignement complémentaire (existence d’un contrat de travail, forme du contrat, date de début/fin des fonctions, convention collective applicable, nombre de salariés dans l’entreprise, rémunération mensuelle moyenne brute etc.) ;
- Les chefs de la demande qui doivent impérativement être chiffrés;
- L’exposé sommaire des motifs de la demande avec un résumé des faits ;
- Le consentement éventuel à la transmission des avis adressés par le greffe par voie électronique;
- La signature du demandeur.
Enfin, un exemplaire de la requête doit être établie pour chaque défendeur et un exemplaire destiné à la juridiction.
Suite à cette saisine, le demandeur est convoqué par tous moyens, le greffe lui indiquant les lieu, jour et heure de la séance du bureau de conciliation et d’orientation. Le demandeur a, alors, à adresser par lettre recommandée avec accusé de réception au défendeur ses pièces avant la tenue de la séance.
La procédure devant le bureau de conciliation et d’orientation
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a renommé le bureau de conciliation en bureau de conciliation et d’orientation afin de mettre en avant les nouveaux pouvoirs de ce bureau.
En effet, il a la charge de concilier mais également d’orienter les affaires en cas de non conciliation ou d’absence d’une partie.
Tout d’abord, en cas de contestation de la compétence de la section du conseil, cette dernière doit être soulevée au tout début de l’instance devant ce bureau.
Ensuite, le bureau de conciliation et d’orientation peut entendre les parties séparément dans le but d’atteindre une conciliation. Dans ce cas, aucune note de ce qui s’y dit n’apparaît au dossier.
L’article L1411-1 du Code du travail prévoit que :
« Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. »
Le bureau de conciliation et d’orientation a donc une véritable tâche de conciliation des parties.
En pratique la conciliation aboutit moins d’une fois sur dix.
Il est important de relever que cette phase de conciliation si elle est obligatoire n’est pas obligatoirement préalable. En effet il a été jugé qu’il était possible de régulariser le défaut de conciliation, et ce même en appel (Cass. Soc 26 avril 2007 pourvoi n°05-45096).
Cette tâche de conciliation peut faire l’objet d’une délégation ainsi ce bureau peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice ou un médiateur qui les informe sur l’objet et le déroulement de la mesure.
Enfin, il existe des cas où les litiges en raison de leur nature sont portés directement devant le bureau de jugement, il s’agit ;
- De la demande de requalification d’un CDD ou d’une mission d’intérim en CDI
- De la demande de requalification d’une prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- De la demande de requalification d’une convention de stage
- De la contestation d’un relevé de créance et du refus de l’AGS d’honorer une créance
- De l’opposition d’un employeur à une condamnation en remboursement des allocations de chômage
- De la contestation relative aux atteintes des droits des personnes et des libertés individuelles
- De la contestation d’un refus de congé de formation économique, sociale et syndicale
La procédure devant le bureau de jugement
La convocation des parties devant ce bureau de jugement peut se faire de plusieurs manières :
- La convocation peut être verbale à la fin de la séance de conciliation
- La convocation peut être écrite par tous moyens
Devant le bureau de jugement, mais cela est également valable pour le bureau de conciliation et d’orientation, les parties se défendent elles-mêmes et ont la possibilité de se faire assister ou représenter (Article R.1453-1 Code du Travail) la comparution personnelle n’est donc plus obligatoire.
Il est important de préciser que tant que l’affaire n’est pas jugée, les parties peuvent se concilier à tout moment en vertu des dispositions de l’article R1454-22 du Code du travail. En pratique, il est rare que cela arrive, le plus souvent cela prendra la forme d’une transaction accompagnée d’un désistement.
L’audience de jugement est par principe publique, à peine de nullité. Ce principe peut connaître une exception lorsque le juge décide en raison des circonstances particulières de l’affaire de poursuivre les débats en chambre du conseil. C’est par exemple le cas en présence d’une affaire de harcèlement sexuel.
Le bureau de jugement se compose de :
- Deux conseillers employeurs et de deux conseillers salariés dans sa composition de droit commun
- D’un conseiller employeur et d’un conseiller salarié dans sa composition restreinte
La présidence du bureau de jugement est occupée alternativement par le président de la section et par le vice-président, dans le cas où l’affaire est renvoyée il est courant que le renvoi soit fait à une date où le président sera le même.
Son rôle est de diriger les débats et de maintenir l’ordre lors des débats.
Il veille également au respect du principe du contradictoire, chaque partie doit avoir la possibilité de répliquer à l’autre sur ses arguments, en sachant que le défendeur a toujours la parole en dernier.
Cette audience se déroule obligatoirement en présence d’un greffier qui a comme mission de tenir le registre d’audience.
Si les parties sont présentes et assistées, un choix s’offre à elles :
- Soit intervenir elles-mêmes pour présenter leur défense
- Soit en charger leur conseil.
Dans tous les cas, le président, mais également les juges, peuvent solliciter des parties des explications dont ils estiment avoir besoin pour trancher le litige.
La procédure devant la juridiction de référé
Tous les conseils de prud’hommes comprennent une formation de référé qui statue dès lors que :
- Il y a urgence d’ordonner des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou qui sont justifiées par l’existence d’un différend (article R 1455-5 du Code du travail)
- Il y a un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite (article R 1455-6 du Code du travail)
- Une obligation n’est pas sérieusement contestable (article R 1455-7 du Code du travail)
La formation de référé est commune à toutes les sections, et est composée d’un conseiller issu de chaque collège mais pouvant provenir de toutes les sections.
Au minimum une audience de référé doit être tenue par semaine.
Enfin il est à noter que le mode de saisine de la juridiction de référé est différent de celle de la juridiction de fond : L’assignation par acte d’huissier est le mode de saisine en matière de référé en vertu de l’article R 1455-9 du Code du travail.