DIVORCE : DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Divers cas de divorce existent afin de permettre aux époux d’envisager une séparation correspondant à leur situation. Certains cas de divorce sont dits « contentieux » et d’autres « non contentieux ».

Les divorces contentieux sont au nombre de trois :

Le divorce pour acceptation du principe de la rupture

Ce divorce est régi par l’article 233 du Code civil. Celui-ci dispose que :

« Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci (…). L’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel ».

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Ce type de divorce est prévu par le Code Civil en son article 237, et il dispose, à ce sujet, que

« Le divorce peut être demandé par l’un ou les deux époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ».

Le divorce pour faute

Il s’agit du divorce contentieux le plus connu, mais aussi le plus complexe. Il est régi par l’article 242 du Code civil qui dispose que

« Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». Divorce pour faute

Il n’existe qu’un type de divorce dit « non contentieux », le divorce par consentement mutuel des parties sans juge. Ce divorce est régi par l’article 229-1 du Code civil qui dispose que

« Lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresignée par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374… ».

Ces divorces vont avoir, pour conséquence, une rupture du contrat de mariage et les époux vont, alors, se retrouver dans des situations différentes de celles dont ils disposaient lorsqu’ils étaient mariés.

Des disparités peuvent survenir, entre les époux, à la suite du prononcé du divorce, et à ce titre, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation compensatoire.

L’octroi d’une telle prestation, n’a pas, pour objet, la réparation d’un préjudice (Cass. Civ 2e, 12 juin 1996, n° 94-18.103) mais la correction d’une disparité.

Les époux peuvent, également, estimer subir un préjudice dû aux agissements de l’un ou de l’autre, et dans ce cas, demander des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Celui-ci pouvant intervenir avant, ou durant le divorce, il ne doit pas être confondu avec la prestation compensatoire que peuvent obtenir les époux.

Afin d’obtenir la réparation de leur préjudice, il sera possible, pour les époux, de fonder leur demande sur l’article 266 du Code civil, mais aussi, dans d’autres cas, de formuler leur demande sur le fondement de l’article 1240 du même code.

1- La réparation du préjudice tenant au prononcé du divorce (article 266 du Code civil)

Lorsque les époux divorcent, un préjudice peut survenir du fait du prononcé de ce divorce. Ce préjudice va pouvoir être réparé par l’application de l’article 266 du Code Civil.

Divorce préjudice
Cet article dispose que

« Sans préjudice de l’application de l’article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux, en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu’il est défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu’il n’avait pas, lui-même, formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce ».

Il s’agit d’une possibilité de réparation du préjudice subi par un époux, spécifiquement prévue dans le cadre de la dissolution du mariage.

Afin de pouvoir demander la réparation du préjudice subi à l’occasion de la dissolution du mariage, diverses conditions sont nécessaires, notamment concernant le préjudice lui-même, mais également tenant aux différents cas de divorce.

Quelles sont les conditions tenant au préjudice lui-même ?

Le préjudice subi doit résulter de la dissolution de l’union ; il s’agit d’une condition nécessaire à l’obtention de cette réparation (Cass. Civ 2e, 31 mai 1995, n° 93-17.127) mais pas uniquement. En effet, ce préjudice doit également être d’une particulière gravité et la Cour d’Appel de Paris a indiqué, dans un arrêt en date du 15 janvier 2009 (Cour d’Appel de Paris, 15 janv. 2009 n° 08-07.520) que ce préjudice doit excéder les conséquences habituelles affectant toute autre personne se trouvant dans une situation similaire ; à savoir : une situation de divorce.

Pour exemple, la jurisprudence n’a pas retenu l’adultère comme étant un fait d’une particulière gravité, justifiant un préjudice suffisamment grave (Civ 1e, 15 avr. 2015, n°14-11.575) et celui-ci doit être associé à d’autres faits.

En revanche, l’adultère a été retenu, par les Juges, comme étant une faute d’une particulière gravité par la Cour d’Appel de Bordeaux, les époux ayant des convictions religieuses attestées par une profession de foi signée par les deux époux. Les Juges ont, notamment, fondé leur décision sur le préjudice moral de l’épouse ; celle-ci ayant été humiliée au regard de ses croyances (Cour d’Appel de Bordeaux, 24 nov 2009).

De fait, si le divorce pour faute peut être demandé par l’un des époux si son conjoint est infidèle (s’agissant d’une violation grave des devoirs et obligations du mariage), ce n’est pas, pour autant, que des dommages et intérêts pourront être accordés sur le fondement de l’article 266 du Code civil.

Le critère majeur étant donc que le préjudice subi soit d’une particulière gravité, ce préjudice peut être moral, et il a, ainsi, été admis par la Cour d’Appel de Riom que le sentiment de trahison d’un époux, résultant des violences du conjoint et du fait que ce dernier avait accédé illégalement à sa messagerie, peut être retenu comme un préjudice moral excédant celui affectant toute personne placée dans la même situation et ouvrant, de ce fait, droit à une réparation, au titre de l’article 266 du Code civil (Cour d’Appel de Riom, 27 mars 2018, n° 17-00.574).

Quelles sont les conditions tenant aux différents cas de divorce ?

Cette demande de dommages et intérêts, fondée sur l’article 266 du Code Civil, ne peut intervenir que dans le cas d’un divorce pour faute ou d’un divorce pour altération définitive du lien conjugal.Condition de divorce

Dans le cas du divorce pour faute, une telle demande d’indemnisation ne peut être prise en compte par le Juge que dans le cas où le divorce a été prononcé aux torts exclusifs du conjoint.

C’est à dire que les dommages et intérêts pourront être obtenus par l’époux estimant subir un préjudice du fait de la dissolution du divorce, uniquement si le divorce pour faute a été prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.

Ainsi, il ne sera pas possible, pour l’époux ou l’épouse, de demander la réparation de son préjudice sur le fondement de l’article 266 du Code civil, si le divorce est prononcé aux torts partagés (Cass. Civ 1e, 25 oct 2005, n° 04-12.234).

En ce qui concerne le divorce pour altération définitive du lien conjugal, il est nécessaire, pour obtenir réparation du préjudice sur la base de l’article 266 du Code Civil, que l’époux soit défendeur (qu’il ne soit pas à l’origine de la demande de divorce initiale) et qu’il n’ait, lui-même, formé aucune demande en divorce.

Quel est le moment de la demande en réparation ?

L’article 266 du Code Civil dispose que la demande de versement de dommages et intérêts doit intervenir à l’occasion de l’action en divorce. Il ne sera donc pas possible de demander la réparation du préjudice après l’obtention du divorce.

Quelle est la forme de la réparation ?

Ce sont les Juges qui évaluent, au cas par cas, le préjudice subi par l‘épouse ou l’époux. Le montant de la réparation n’est pas fixé en fonction des ressources, comme c’est le cas pour la prestation compensatoire.

Cette indemnisation prendra la forme d’une réparation en argent.

Au-delà de la possibilité d’obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code civil, il est également possible d’en obtenir des dommages et intérêts,sur le fondement de l’article 1240 du même Code.

2- La réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil

Quelquefois, les conditions nécessaires afin de pouvoir demander une indemnité sur le fondement de l’article 266 du Code Civil, ne sont pas réunies et dans ce cas, il sera alors possible, pour les époux, de solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du même code.
Cet article dispose que :

« Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Ainsi, toute partie, estimant subir un préjudice, pourra demander la réparation de son préjudice, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle… alors même que le mariage est contractuel.

Plusieurs conditions doivent être réunies.

Quelles sont les conditions tenant au préjudice lui-même ?

Ici, il sera possible, pour l’époux qui s’estime lésé (d’un préjudice), de demander réparation, alors même que le préjudice en question est distinct de la dissolution de l’union (Cass. Civ 1e, 6 mars 2013, n° 12-12.338). En effet, les dommages et intérêts que peuvent obtenir les parties, dans le cadre de l’article 1240 du Code civil, et par là-même, sur le fondement de la responsabilité civile, ont, pour objet, la réparation de préjudices résultant de toutes autres circonstances que la dissolution du mariage (Cass. Civ 1e, 24 janv. 1990, n° 87-17.785).

Pour exemple, les Juges ont octroyé des dommages et intérêts à l’épouse, abandonnée pour une maîtresse, et qui avait eu, seule, la charge de l’enfant, jeune adulte handicapé (Cass. Civ 1e, 22 mars 2005, n° 04-11.942).

Des dommages et intérêts ont, également, été alloués à l’époux dont le conjoint avait affiché, publiquement, sa relation adultère, après avoir rompu de façon brutale et injurieuse (Cass. Civ 2e, 15 oct 1981).

A qui incombe la charge de la preuve ?

Il s’agit d’engager la responsabilité civile de l’époux ou de l’ex-époux afin d’obtenir réparation d’un préjudice. Pour ce faire, il revient, au conjoint demandeur, de prouver l’existence d’un dommage, d’une faute et d’un lien de causalité.Divorce : Responsabilité, la charge, la preuve

La faute commise, pour être retenue, doit être réalisée par le conjoint, et il pourra s’agir d’une atteinte à l’intégrité corporelle, d’une atteinte aux biens, d’injures, ou encore d’une atteinte à l’honneur…

Cependant, il ne sera pas possible de demander réparation sur le fondement de la faute ayant permis le prononcé du divorce. Ainsi, les Juges ont accordé une réparation à l’époux ayant subi un préjudice, du fait du comportement manipulateur du conjoint ayant conduit à l’isolement de l’époux, de façon distincte des faits de violences fondant le divorce, le préjudice étant distinct mais résidant, certes, dans les circonstances ayant conduit à la rupture du lien matrimonial (Cass. Civ 1e, 17 févr. 2004).

De cette faute doit résulter un préjudice, et celui-ci peut être matériel, corporel ou encore moral. Pour exemple, le préjudice moral a été retenu dans le cas où l’épouse s’est retrouvée privée, par l’époux, de ses enfants, pendant la durée de la procédure (Cass. Civ 1e, 7 déc. 2016, n° 15-27.900).

Contrairement à la faute exigée pour obtenir la réparation sur le fondement de l’article 266 du Code Civil, il n’est pas nécessaire que la faute soit d’une particulière gravité et le simple fait de prouver un lien de causalité entre la faute et le préjudice suffit à retenir la responsabilité du conjoint fautif.

Quelles sont les conditions tenant aux différents types de divorce ?

Contrairement à la demande fondée sur l’article 266 du Code civil, la demande fondée sur l’article 1240 du Code civil, n’est pas exclusivement réservée au cas de divorce pour faute aux torts exclusifs de l’époux, et au cas de divorce pour altération du lien conjugal, lorsque la partie est défendeur et n’a pas, elle-même, demandé le divorce.

L’ensemble des divorces contentieux va être concerné par cette possibilité d’obtenir des dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, si a totalité des conditions est réunie.

Une réparation est également possible, dans le cas du divorce par consentement mutuel, si la convention régissant la rupture de l’union, mentionne le versement de dommages et intérêts par l’un des époux.

Quel est le moment pour initier la demande d’indemnisation ?

Cette demande de réparation peut ne pas intervenir au moment de la demande en divorce. Cette demande peut être introduite de façon totalement indépendante de toute instance en divorce.

La demande en indemnisation sera alors portée devant le Juge de droit commun.

Quelle est la forme de la réparation ?

La réparation sera identique à celle prévue dans le cadre de l’article 266 du Code civil et c’est au Juge qu’il revient le rôle de déterminer le montant des dommages et intérêts, ceux-ci correspondant à une réparation en argent.

Le Juge ne prendra pas en considération les ressources de la partie fautive pour déterminer le montant de la réparation et seuls les préjudices subis seront évalués.

3- L’articulation des deux modes de réparation

Il est tout-à-fait possible d’obtenir réparation du préjudice subi sur les deux fondements, par le biais d’un cumul.Divorce mode réparation

En effet, si une partie estime subir un préjudice résultant de la rupture de l’union matrimoniale, elle peut réaliser une demande d’indemnisation au moment de l’initiation de la procédure du divorce, sur le fondement de l’article 266 du Code Civil.

En parallèle à cette demande, s’il existe une faute, un dommage et un lien de causalité entre une faute et un dommage, totalement distinct de la dissolution du mariage, l’époux pourra également demander la réparation de son préjudice, sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil, devant le Juge du droit commun.

Cette possibilité s’explique par le fait que les dommages et intérêts, prévus par ces différents articles, n’ont ni le même objet, ni le même régime, et ne réparent pas le même préjudice.

La Cour de Cassation contrôle l’opportunité de ces demandes simultanées. Elle veille, notamment, à ce que chaque fondement soit justifié ; et ce, dans le respect des conditions nécessaires à l’obtention de ces réparations (Cass. Civ 1re, 10 déc. 2012, n° 11-27.410).Divorce Indemnité

Ainsi, le Tribunal peut tout-à-fait accorder des dommages et intérêts sur chacun des fondements. Ce fût le cas soumis à la 1e chambre civile de la Cour de Cassation. En effet, dans cet arrêt, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’Appel ayant refusé d’allouer des dommages et intérêts à l’épouse, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, au motif que le préjudice matériel résultant de la dissolution du mariage avait été réparé (sur le fondement de l’article 266) et la Cour de Cassation retient donc, en parallèle, le préjudice moral de l’épouse dont le mari avait une relation adultère avec leur voisine afin de justifier la demande de l’épouse sur le fondement de l’article 1240, la faute étant distincte de la dissolution du mariage (Cass. Civ 1e, 18 janvier 2012, n° 11-10.959).

Il est donc nécessaire qu’il existe deux préjudices distincts, répondant aux conditions énoncées par chaque article, et de fait, il n’est donc pas possible d’interchanger les fondements afin de tenter d’obtenir des dommages et intérêts par le biais de l’un ou de l’autre article, dans le cas où une demande échouerait (Cass. Civ 1e, 11 janv. 2005, n° 02-19.016).

EN CONCLUSION

Le champ d’application de ces réparations est très large, et il est parfois difficile de distinguer la limite entre les deux fondements décrits.

Le cumul de réparation est possible ; il nécessite, néanmoins, la maitrise de certaines subtilités, vous l’avez compris…

Le cabinet Emmanuel PARDO saura distinguer les préjudices tels que présentés et se tient à votre disposition afin d’évaluer l’intérêt de solliciter des dommages et intérêts sur la base des dispositions de l’article 266 du Code civil et/ou 1240 du même code.