ALÉA THÉRAPEUTIQUE L’ACCIDENT MÉDICAL

L’indemnisation de l’aléa thérapeutique grave dû à un accident médical

Il a fallu attendre la Loi n° 2002–303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, pour que l’aléa thérapeutique, dû à un accident médical, soit indemnisé, de façon autonome, sans que la responsabilité du professionnel de santé n’ait à être rapportée.

C’est l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui a, pour mission, d’assurer cette indemnisation.

Il s’agit d’une indemnisation trouvant son fondement dans la solidarité nationale ; ladite solidarité bénéficiant aux victimes de dommages « résultant de l’intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d’un professionnel, d’un d’établissement, services ou organismes en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostics ou de soins », selon l’article L. 1142–1–1 2° du Code de la santé publique.

Le principe d’indemnisation de l’aléa thérapeutique grave est défini par l’article L 1142–1 (II) du Code de la santé publique qui dispose : «Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »

Cet article permet donc d’envisager, à la charge de la solidarité nationale, les dommages les plus graves d’un aléa thérapeutique.

Les conditions de l’indemnisation de l’aléa thérapeutique grave dû à un accident médical

Plusieurs conditions doivent être réunies, à savoir :L'accident médical conséquence

L’accident médical ne doit pas pouvoir engager la responsabilité civile d’un professionnel de santé visé à l’article L 1142–1 (II) du Code de la santé publique.

Cela est logique puisque le législateur a souhaité faire de l’intervention de la solidarité nationale une réparation subsidiaire qui ne peut intervenir que dès lors que la responsabilité des professionnels de la santé et … le règlement de leur compagnie d’assurance ne peuvent être envisagés.

Il doit s’agir d’un accident médical.

L’article L 1142–1 du Code de la santé publique ne définit pas la notion d’accident médical.

Il faut, alors, s’en remettre aux travaux préparatoires de l’assemblée nationale pour considérer que l’accident médical peut être défini « comme un événement imprévu causant un dommage accidentel ayant un lien de causalité certain avec un acte médical, mais dont la réalisation est indépendante de toute faute établie ».

L’accident médical doit avoir, pour conséquence, un acte de prévention, de diagnostic ou de soin.

Les actes de chirurgie esthétique constituent-t-ils ce genre d’actes ?

L’article 70 II, de la Loi n° 2014–1554 du 22 décembre 2014, écarte, pour toute demande d’indemnisation postérieure au 31 décembre 2014, « les dommages imputables à des actes dépourvus de finalités préventives, diagnostiques, thérapeutiques ou reconstructrices, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi. »

L’indemnisation des actes médicaux de chirurgie esthétique est donc, aujourd’hui, écartée.

Les conséquences dommageables de l’accident doivent être anormales au regard de l’état de santé du patient et de son évolution prévisible.

L’appréciation de la Cour de cassation, sur ce caractère anormal est sévère.

Sont ainsi exclues, de la solidarité nationale, les évolutions naturelles de la maladie, les accidents médicaux probables au regard de l’état de santé du patient, ainsi que ceux liés aux prédispositions anatomiques ou ceux liés à la nature de l’acte ou du traitement pratiqué.

Le Conseil d’État a la même position et estime que « la condition d’anormalité du dommage est remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement. À défaut, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; ainsi elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l’état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage. »

Qu’appelle-t-on une probabilité faible ?Aléa thérapeutique conséquences d'un accident

On admet qu’elle oscille entre 1 à 3 %.

Les conséquences de l’accident doivent présenter une certaine gravité

Un accident médical revêt un caractère de gravité lorsque :

  • Il est constaté un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du patient > à 24 %,
  • il a entraîné, pour le patient, un arrêt temporaire des activités professionnelles pendant au moins 6 mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de 12 mois, ou des gènes temporaires à l’origine d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant au moins 6 mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de 12 mois.
  • Enfin, en vertu de l’article D1142–1 du Code de la santé publique, le caractère de gravité, peut être reconnu, à titre exceptionnel, lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer son activité professionnelle ou lorsque l’accident médical occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

Les procédures d’indemnisation

L’information préalable

Il faut rappeler qu’en vertu de l’article L 1142–4 du Code de la santé publique, toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention de diagnostic ou de soins ou, si la personne est décédée, ses ayant droits, ou le cas échéant, son représentant légal, doit être informée, par le professionnel, l’établissement de santé concerné, des circonstances et des causes de ce dommage.

L’information doit être communiquée dans un délai de 15 jours suivant la découverte du dommage ou la demande expresse.

Sous quelle forme ?

L’information doit être délivrée au cours d’un entretien, et à cette occasion, le patient peut se faire assister par un médecin ou par toute personne de son choix.

La saisine de la commission de conciliation et d’indemnisation (CCI)Aléa thérapeutique commission conciliation indémnisation

La procédure de règlement amiable est fixée par les dispositions de l’article L 1142–4 et suivants du Code de la santé publique et des dispositions de l’article R 1142–13 et suivants du Code de la santé publique.

Dès lors que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être envisagée, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation « en formation de règlement amiable des accidents médicaux » est saisie.

La Commission est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire ou administratif.

Depuis le décret du 9 janvier 2014, elle est composée de 11 personnalités représentant les usagers, les professionnels de santé libéraux, les praticiens hospitaliers, les institutions et établissements de santé, L’ONIAM, et les assureurs.

Les avis sont adoptés à la majorité des membres présents.

En cas de partage, le Président a voix prépondérante.

Il faut encore souligner que le Président de la Commission a la possibilité de statuer, seul, sur les irrecevabilités, tenant, notamment, au seuil de gravité.

La saisine de la Commission de Conciliation et d’Indemnisation est ouverte, à toute personne s’estimant victime, ainsi qu’à son représentant légal ou à ses ayant droits en cas de décès, d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soin, en vertu de l’article 1142–7 al. 1° du Code de la santé publique.

Il convient de saisir la commission régionale compétente, c’est-à-dire celle dans le ressort de laquelle a été exécuté l’acte médical.

La demande est présentée sur le formulaire mis en ligne (Cerfa n° 12245-03).

Le formulaire, dûment rempli, accompagné des pièces justificatives, doit être envoyé par courrier RAR ou déposé auprès du secrétariat de la commission contre récépissé.

À cette occasion, le demandeur doit également préciser l’existence de procédures déjà engagées.

Dans quel délai faut-il saisir la commission ?

Il convient de saisir la commission dans un délai de 10 ans à compter de la consolidation.

La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu’à la fin de la procédure.

L’expertiseAléa thérapeutique rapport expertise

La commission, ou son Président s’il y a une délégation, peut demander une expertise.

L’expertise n’est pas obligatoire.

La commission régionale peut même désigner un collège d’experts.

C’est la commission qui fixera la mission de l’expert et la durée de l’expertise, étant précisé que la commission doit rendre son avis, au plus tard, 6 mois après sa saisine.

Le rapport d’expertise a précisément, pour but, de permettre à la commission d’émettre un avis sur les causes, la nature et l’étendue des dommages, ainsi que le régime applicable.

L’office national d’indemnisation prend en charge le coût des missions d’expertise, sous réserve des remboursements auprès de l’assureur du responsable lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement est retenue.

Plusieurs cas sont à envisager :

  • Premier cas : l’avis déclare que le dommage est imputable à une faute d’un professionnel de santé, d’un établissement, d’un service ou d’un organisme dans lequel a été réalisé l’acte médical.

L’avis de la commission est alors transmis à l’assureur qui garantit la responsabilité de la personne considérée comme responsable.

Ce dernier devra présenter, dans un délai de 4 mois suivant la réception de l’avis, une offre d’indemnisation à la victime ou ses ayants droits.

L’acceptation de l’offre vaut transaction.

Si la victime n’accepte pas l’offre de l’assureur, elle est en droit de saisir la juridiction compétente pour obtenir réparation du préjudice qui lui a été causé.

  • Second cas : l’avis déclare que le dommage est indemnisable au titre de la solidarité nationale

La commission décide, alors, que les conditions de l’article L 1142–1 du Code de la santé publiques ont été remplies.

Dans ce cas, l’avis est transmis à l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) qui doit, dans un délai de 4 mois suivant la réception de l’avis de la commission, offrir une indemnisation à la victime ou à ses ayant droits ; et ce, en vertu de l’article L 1142–17 al. 1° du Code de la santé publique.

L’ONIAM n’est pas lié par l’avis de la commission ; et ce, en vertu d’une jurisprudence, à présent constante.

La jurisprudence est, à présent, constante en la matière et en cas de refus d’indemnisation, la victime peut, alors, assigner l’ONIAM devant une juridiction de droit commun.Aléa thérapeutique jurisprudence

L’acceptation de l’offre de l’ONIAM vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil.

Le paiement devra intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception, par l’ONIAM, de l’acceptation, qu’il s’agisse d’une offre ayant un caractère provisionnel ou définitif.

  • Troisième cas : l’avis rendu considère que le dommage est dû, pour partie, à une faute, et pour partie, à un accident médical.

Dans ce cas, la commission a, pour rôle, de déterminer la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle qui relève de la solidarité nationale.

Il n’est pas prévu de recours contre la décision prise par la Commission de Conciliation et d’Indemnisation.

Cela est logique puisque la victime a toujours la possibilité de saisir une juridiction pour faire valoir ses droits, que ce soit en amont de ladite saisine ou en aval.

À cette fin, il convient de rappeler que la saisine de la commission n’est pas un préalable obligatoire, pour la victime, pour faire valoir ses droits devant une juridiction.

La constitution d’un dossier d’indemnisation d’un aléa thérapeutique grave dû à un accident médical est délicate.

Le Cabinet Emmanuel PARDO est à votre disposition afin de vous assister dans la constitution de ce dossier destiné à faire valoir vos droits devant la Commission de Conciliation et d’Indemnisation et obtenir le règlement de l’ONIAM.