LA CLAUSE DE DÉDIT-FORMATION

Le contrat de travail peut comporter une clause de dédit-formation par laquelle le salarié s’engage à rester au service de son employeur pendant un certain temps, en contrepartie d’une formation assurée par ce-dernier.

En application de cette clause « le salarié s’engage à accepter, par avance, le nouveau poste de travail auquel donne accès la nouvelle qualification qu’il aura obtenue à l’issue de la formation dont il aura bénéficié, et à demeurer au service de son employeur, en s’interdisant, pendant un délai minimal et déterminé, de résilier son contrat de travail après avoir suivi cette formation, et ce à peine de lui en rembourser le coût, sous la forme du versement d’une indemnité forfaitaire de dédit ».

La clause de dédit-formation est en principe utilisée lorsque l’employeur finance une formation longue et coûteuse.

La clause de dédit-formation doit remplir un certain nombre de conditions cumulatives légales et jurisprudentielles, au titre de sa validité, ainsi que pour sa mise en œuvre.

Les conditions de validité de la clause de dédit-formation

L’ancien article L. 934-2 du Code de travail devenu article R. 2241-4, impose la réunion de plusieurs conditions cumulatives au titre de validité et d’opposabilité de la clause de dédit-formation. 

Il convient de distinguer les conditions de fond des conditions de forme.

Les conditions de fond

La jurisprudence admet en principe, la validité de la clause de dédit-formation.

Ainsi, elle est licite seulement si elle constitue « la contrepartie d’un engagement pris par l’employeur d’assurer une formation entrainant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi ou la convention collective et dans la mesure où elles n’ont pas pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner » (Cass. Soc., 17 juillet 1991, n°88-40.201 et Cass. Soc., 5 juin 2002, n°00-44.327).

Il en résulte que les engagements prévus par la clause doivent être réciproques et en l’absence de contrepartie, la clause est nulle.

Dès lors, si la formation est interrompue par l’employeur ou que cette formation n’est pas réelle, la clause de dédit-formation encourt la nullité.

Car dans le cas contraire, cette clause aurait tout simplement pour but d’empêcher le salarié de démissionner.

Par ailleurs, la jurisprudence n’admet pas la validité de la clause de dédit-formation, lorsque celle-ci a pour seule but de « stabiliser les mouvements de départs du personnel dus à des conditions de travail particulièrement pénibles » (Cass. Soc., 4 juin 1987, no 84-43.639).

Le salarié doit effectivement conserver sa liberté de résilier unilatéralement le contrat de travail. Selon la jurisprudence « l’atteinte à la liberté de démissionner caractérise une atteinte à la liberté de travail » (Cass. Soc., 18 avr. 2000, no 97-44.235), laquelle a valeur constitutionnelle.

Par conséquent, l’atteinte ne doit pas être excessive, au regard du montant de l’indemnité ou de la durée pendant laquelle le salarié s’engage à rester dans l’entreprise.  

Il convient de préciser que l’article L. 6325-15 du Code du travail interdit d’insérer une clause de dédit-formation dans un contrat de professionnalisation. Tel est le cas des contrats d’insertion en alternance, des contrats de qualification, d’adaptation et d’orientation.

Mais aux termes de l’article R. 2241-4 du Code de travail, elle peut valablement être insérée dans les autres types de contrat de travail : le contrat à durée déterminée ou indéterminée, le contrat de travail à temps complet ou partiel.

Dans tous les cas, les dépenses de formation doivent être engagées par l’employeur lui-même.

Enfin, la preuve que les frais de formations engagées vont bien au-delà de ce qu’est imposé par la loi, incombe à l’employeur.

Les conditions de forme

Par un arrêt rendu le 4 février 2004, la Cour de cassation a imposé plusieurs conditions de forme. La validité de la clause de dédit-formation est subordonnée à l’information préalable du salarié. Ce dernier doit « l’avoir expressément acceptée avant le commencement effectif de la formation qui lui a été promise ».

Pour être valable, les mentions obligatoires destinées à faire connaitre au salarié la portée de son engagement doivent figurer dans le contrat de travail ou avenant. Dès lors, la clause doit :

  • Être prévue dans un contrat ou avenant conclu avant le début de la formation
  • Préciser la date, la nature, la durée et le coût de la formation
  • Préciser le montant et les modalités du remboursement

(Cass. Soc., 4 févr. 2004, n° 01-43.651 et Cass. Soc., 9 févr. 2010, n° 08-44.477)

A défaut ou en cas d’imprécision, la clause de dédit-formation encourt la nullité, de sorte que le salarié se retrouve libéré de son engagement tendant au remboursement des frais de formation engagés par l’employeur. Ainsi, la jurisprudence a considéré que n’est pas « valable, la clause de dédit-formation conclue sur la base d’une évaluation forfaitaire et non du coût réel de la formation pour l’employeur » (Cass. Soc. 6 nov. 2013, no 11-12.869).

Il en va différemment concernant la sanction des clauses excessives. En matière de clause de dédit-formation le juge dispose d’un pouvoir de réfaction comme en matière de clause pénale. Ainsi, le juge peut réduire le montant lorsque l’indemnité prévue par la clause de dédit-formation est excessif, ou la durée est trop longue.

La durée pendant laquelle le salarié s’engage à rester dans l’entreprise n’étant pas prévu par une disposition légale, les juges apprécient la durée en fonction de la nature et du coût de la formation. La jurisprudence valide régulièrement les clauses imposant aux salariés de rester dans l’entreprise pendant une durée qui varie de deux à six ans.

Le coût de la formation doit obligatoirement être indiqué dans la clause de dédit-formation.

Ce coût doit par ailleurs, dépasser les dépenses obligatoires prévues par la loi ou les conventions collectives. Pour apprécier si l’employeur est bien allé au-delà de ses obligations légales et conventionnelles, il convient notamment de se référer à l’article L 951-1 du Code du travail. Cet article précité prévoit que les «les employeurs occupant au moins dix salariés doivent consacrer au financement de la formation du personnel, une part minimale de 1,60 % du montant des rémunérations versées pendant l’année en cours ». Il est donc possible de se baser sur un taux de 1,60% de la masse salariale.

L’indemnité prévue par la clause doit être déterminé en fonction du coût réel de la formation. Son remboursement doit donc être proportionné aux frais engagés. Cette exigence de proportionnalité a pour finalité de mesurer la restriction du droit du salarié de démissionner. Ainsi, l’employeur ne peut exiger le remboursement des salaires versés pendant la durée de formation (Cass. Soc. 4 juill. 2001, no 99-43.520).

Les modalités de remboursement doivent également être précisés. En pratique, les employeurs prévoient un versement dégressif au prorata de la durée de l’engagement restant à courir. 

La mise en œuvre de la clause de dédit-formation

La jurisprudence a dégagé plusieurs principes à respecter lors de la mise en œuvre de la clause du dédit-formation.

La clause de dédit-formation s’applique lorsque la rupture du contrat de travail est imputable au salarié. Ainsi, en cas de démission, de prise d’acte aux torts de salariés, ou le départ volontaire à la retraite, le salarié est tenu de régler l’indemnité prévue par la clause.

Il en résulte que la clause de dédit-formation ne s’applique pas lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur.

En effet, en cas de licenciement ou de la mise à la retraite le salarié n’est pas tenu de régler l’indemnité. Il en est de même concernant la prise d’acte aux torts de l’employeur, puisqu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé que lorsque la prise d’acte par le salarié est justifiée « par le comportement de l’employeur, imputable à celui-ci, elle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la clause de dédit-formation ne peut trouver application » (Cass. Soc., 25 juin 2003, no 01-41.151 et 01-40.235, Cass. Soc., 11 janv. 2012, n° 10-1 5.481).

Le licenciement économique étant également imputable à l’employeur, dans la mesure où il s’agit du fonctionnement de l’entreprise qui est à l’origine de la rupture, la clause ne doit pas pouvoir être mise en œuvre.

Mais la solution en ce qui concerne le licenciement pour faute reste délicate. En effet, certains juges permettent l’application de la clause de dédit-formation en cas de licenciement pour faute grave (CA Nancy, 25 avril 1983). Mais parfois, il est arrivé que certains tribunaux refusent l’application de la clause et libèrent le salarié du versement de l’indemnité prévue par celle-ci, lorsque l’employeur licencie le salarié pour faute grave.

Dans tous les cas, la jurisprudence admet qu’en cas de manquement de l’employeur à ses obligations, tels que l’obligation de formation promise ou le versement des salaires, la clause ne peut s’appliquer de sorte que le salarié n’a pas à verser l’indemnité prévue par la clause de dédit-formation (Cass. Soc. 4 juill. 1990, no 87-43.787 et Cass. Soc. 28 mars 1995, no 91-45.088). Dès lors, lorsque le salarié démissionne en raison du comportement de l’employeur, c’est-à-dire lorsque le salarié démissionne de sa propre initiative, mais que cette démission est imputable à l’employeur, la clause ne peut pas s’appliquer.

Bien évidemment, la clause de dédit-formation ne peut être mise en œuvre en cas de rupture conventionnelle, dans la mesure où elle reflète la volonté des parties de se partager la responsabilité dans la rupture.

Par ailleurs, l’employeur peut décider de libérer le salarié de son engagement. Il est conseillé dans ce cas de le préciser expressément, la renonciation par mention « libre de tout engagement » ne suffisant pas selon la jurisprudence (Cass. Soc., 4 juill. 2001, n° 99-43.520).

Enfin, il convient de noter que la jurisprudence a admis que la clause de dédit formation est également applicable à la rupture du contrat de travail pendant la période d’essai (Cass. Soc. 20 juin 2001, no 99-42.457).

La consultation d’un avocat peut être utile afin de se prévaloir de la nullité d’une clause de dédit-formation ou pour s’en affranchir.

Le cabinet Emmanuel PARDO est à votre disposition dans le cadre de toutes procédures judiciaires destinées à faire respecter vos droits.

AVERTISSEMENT : Cet article a pour unique objet d’intéresser l’internaute sur une question juridique. Il n’a aucun caractère exhaustif et sa lecture ne saurait se substituer à l’indispensable consultation d’un professionnel du droit, tel qu’un avocat, à même d’appréhender les spécificités d’une situation factuelle.