Le contrat d’assurance est un contrat aléatoire par lequel, en contrepartie d’une prime, l’assureur s’engage à garantir le souscripteur en cas de réalisation d’un risque prévu au contrat.
Des lors, le législateur impose à l’article L113-2 du Code des assurances, une obligation pour l’assuré de déclarer toutes les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur le risque qu’il prend en charge.
Il s’agit des circonstances existantes au moment de la souscription du contrat d’assurance, ainsi que l’aggravation ou les circonstances nouvelles survenant en cours d’exécution du contrat.

L’objectif est d’éviter que l’assureur ne soit lésé du fait d’une sous tarification pratiquée en méconnaissance d’un risque trouvant son origine dans la fausse déclaration de l’assuré.
En effet, la fausse déclaration de l’assuré ne permet pas à l’assureur d’évaluer correctement le risque qu’il va garantir.
Par conséquent, des sanctions pour fausse déclaration sont prévues aux articles L113-8 et L113-9 du Code des assurances (II), et ces sanctions dépendent du caractère intentionnel ou non intentionnel de cette déclaration (I).
I. Le caractère intentionnel ou non de la fausse déclaration du risque par l’assuré
Le caractère intentionnel ou non intentionnel de la fausse déclaration de l’assuré résulte de la bonne ou mauvaise foi de l’assuré. La jurisprudence a donc retenu certains critères d’appréciation de la mauvaise foi (A) ainsi que les modes de preuve auxquels les assureurs peuvent recourir (B).
A) Les critères d’appréciation du caractère intentionnel retenus par la jurisprudence
Le caractère intentionnel de la fausse déclaration réside dans la mauvaise foi de l’assuré qui a eu l’intention de tromper l’assureur par une déclaration irrégulière sur le risque que ce dernier a entendu couvrir. (Cass. civ 1., 2 mai 1990, n°88-17.955 RGAT 1990, p. 603, note Kullmann J.) Cela signifie que, comme l’opinion du risque chez l’assureur, la mauvaise foi chez l’assuré s’apprécie au jour de la réalisation de la fausse déclaration, c’est à dire au jour de la souscription du contrat d’assurance. (CA Lyon, 27 avr. 1989, D. 1989, I. R., p. 155)
Toutefois, la déclaration irrégulière ne peut être sanctionnée qu’à la condition que l’inexactitude ou l’omission soit le fait de l’assuré.
Le juge doit s’assurer que l’assuré est bien l’auteur des fausses déclarations incriminées.
De même, la fausse déclaration intentionnelle du risque ne peut résulter des déclarations contenues dans les conditions particulières. (Cass. crim. 18 sept. 2007)

Cependant, elle peut résulter des réponses pré-imprimées expressément acceptées par l’assuré si elles ne nécessitent pas d’interprétation. (Cass. civ 2., 8 mars 2012)
Dans ces cas, l’assureur doit, alors, avoir avisé l’assuré de son obligation de répondre loyalement au questionnaire et reproduire l’article L113-8 du Code des assurances. Toutefois, l’assureur n’est pas dans l’obligation légale de reproduire ledit article dans la police d’assurance. (Cass, 1ere civ., 19 déc. 2000, n°98-13.883, RGDA 2001, p. 44, note Kullmann J.) .).
La mauvaise foi de l’assuré pourra ne pas être retenue par le juge du fond en l’absence de clause attirant son attention sur ses obligations déclaratives. (Cass. crim., 9 sept. 2014, n° 13-85.432, RGDA 2014, p 548, note Asselain M.)
La fausse déclaration intentionnelle de l’assuré peut résulter également de son silence. En effet, lorsque l’assuré omet intentionnellement de déclarer une information connue de lui et qui est de nature à permettre à l’assureur d’apprécier l’étendu du risque qu’il prend en charge, le juge peut retenir sa mauvaise foi.
Ainsi, le juge du fond peut déduire la mauvaise foi de l’assuré d’une impossibilité pour celui-ci d’ignorer des faits qui auraient dû être déclarés. (Cass. civ 2., 25 févr. 2010, n° 09-13.225, RGDA 2010, p. 314, note Abravanel- Jolly S)
Pour déterminer le caractère intentionnel ou non intentionnel de la fausse déclaration, le juge du fond tient compte des qualités personnelles de l’assuré, de ses capacités intellectuelles (Cass. crim. 9 Déc. 1992), de sa nationalité (Cass. crim. 13 mai 1996), de sa profession (Cass. civ 2, 15 sept. 2011) et de son degré d’instruction en la matière et même de la clarté du questionnaire soumis à l’assuré. (Cass. civ 1, 15 oct. 1991 : RCA 1991, n° 433)
De plus, il est acquis en jurisprudence que le fait pour l’assuré de ne pas avoir conscience d’une circonstance relative au risque exclue la mauvaise foi et peut supprimer le devoir de déclaration.
L’évaluation de cette conscience peut s’effectuer au regard du questionnaire soumis à l’assuré. (photo construction)
Ainsi, la Chambre civile considère que la déclaration de bonne santé n’est pas faite de mauvaise foi, lorsque l’assuré estime que son état de myopie est naturel (Cass. 1ere civ., 18 janv. 1989, n°87-11.966, RGAT 1989, p. 394, note Aubert J.-L.).
Le fait pour l’assuré de reconnaitre la fausse déclaration après sinistre, n’a aucune incidence sur l’appréciation de sa mauvaise foi. (Ccass, crim., 9 févr. 1994, n° 92-85. 362, RGAT 1994, p 471, note Favre-Rochex A)
B) Les modes de preuve admis par la jurisprudence
La charge de la preuve de la mauvaise foi de l’assuré incombe à l’assureur qui s’en prévaut pour refuser sa garantie (Cass. civ 1, 21 janv. 1957, RGAT 1957, p 40, note Besson A).
Différents modes de preuve sont admis par les juges. Ainsi, il peut s’agir du questionnaire rempli par l’assuré qui permettra une comparaison de la déclaration faite par l’assuré et de la réalité des faits. En effet, la Cour de cassation considère que « l’appréciation de la bonne ou mauvaise foi de l’assuré, quant au risque déclaré à l’assureur, se fait nécessairement en considération des déclarations faites par lui pour la souscription du contrat » (Cass, civ 1., 26 avr. 2000, n°97-22.560, RGDA 2000, p 816)
Cette comparaison permettant de constater la fausseté de la déclaration ne démontre pas toujours la mauvaise foi de l’assuré.
En effet, c’est le fait pour l’assuré de mentir qui attestera de sa mauvaise foi.
Par conséquent, l’intention de tromper l’assureur pourra résulter du caractère évident de de la fausse déclaration.
Ainsi, dans les contrats d’assurance automobile par exemple, l’évidence d’une fausse déclaration pourra résulter du fait pour l’assuré d’affirmer de ne pas avoir été condamné pour état d’ivresse au cours des trois années précédentes alors qu’en réalité la situation est tout autre… (Cass. Crim., 25 mai 1994, n°93-84-614, RGAT 1995, p. 367, note Maurice R
Il en résulte que l’assureur pourra recourir aux modes de preuves différents tels qu’une expertise qui pourra être acceptée ou refusée par le juge.
L’assureur peut également prouver la mauvaise foi de l’assuré en rapportant la preuve d’une condamnation et peut même présenter comme preuve des courriers de l’assuré adressés aux tiers.
Enfin, l’assureur peut produire un document émanant, par exemple, d’un médecin traitant utile au succès de sa prétention.
Cependant le secret médical constitue un obstacle.
C’est pourquoi, dans son rapport en 1993, la Cour de cassation énonce que « l’idée est que le respect du secret médical est destiné à protéger des intérêts légitimes et c’est de le détourner de sa finalité que de l’utiliser dans un but illégitime » ; le but illégitime étant la volonté de faire échec à l’exécution de bonne foi d’un contrat d’assurance en refusant la communication de documents médicaux. (Cass, civ 1, 3 janv. 1991, n°89-13.808)
Par conséquent, le seul fait que l’assuré (ou ses ayant droits) insiste sur le secret médical pour s’opposer à la communication des données de santé pourra permettre au juge de retenir sa mauvaise foi. (Cass. civ 2, 2 juin 2005, n° 04-13.509, RGDA 2005, p 63, note Kullmann)
Enfin, rappelons que pour obtenir la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle l’assureur doit prouver non seulement le caractère intentionnel de la déclaration incorrecte mais également le fait qu’elle a changé l’objet du risque ou en a diminué l’opinion.
A défaut de cette double preuve, la nullité sera écartée.
II) La diversité des sanctions de la fausse déclaration du risque par l’assuré
La nullité est encourue en cas d’établissement de la mauvaise foi de l’assuré (A). Par conséquent, le contrat d’assurance n’a plus d’existence légale. Toutefois, lorsque la fausse déclaration de l’assuré ne résulte pas d’une mauvaise foi, la nullité est écartée (B).
A) La nullité du contrat d’assurance
La sanction prévue par le législateur en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle par l’assuré figure à l’article L113-8 du Code des assurances. Aux termes de cet article, le contrat d’assurance encourt la nullité spéciale du droit des assurances, différente de la nullité du droit commun, qui est d’ordre public.

L’assureur, sur lequel incombe la preuve de la mauvaise foi de l’assuré, devra également démontrer que cette fausse déclaration a changé l’objet du risque ou en a diminué son opinion, alors même que ce risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre. (Cass. crim. 8 août 1995)
Cette nullité pour fausse déclaration intentionnelle a un effet rétroactif et de ce fait, les effets de la fausse déclaration intentionnelle « remontent » au moment de la souscription du contrat d’assurance.
La nullité est rétroactive.
Cependant, lorsque la fausse déclaration intervient au cours de contrat, elle n’entraine pas l’anéantissement total du contrat.
Dans ce dernier cas, la nullité remonte au jour où l’irrégularité a été constatée.
Ainsi, la nullité du contrat d’assurance ne prend effet qu’à la date de la fausse déclaration intentionnelle qu’elle sanctionne. (Cass. crim. 2 déc. 2014 : D 2014. 2522 ; RGDA 2015. 99, note Mayaux)
La rétroactivité de cette nullité varie donc en fonction de la situation de la mauvaise foi dans l’exécution du contrat d’assurance.
L’article L113-8 du Code des assurances prévoit que les primes déjà payées par l’assuré demeurent acquises à l’assureur, en guise des dommages et intérêts. De même, l’assureur peut réclamer les primes échues impayées avant la demande d’annulation du contrat, tandis que l’assuré est tenu de restituer les indemnités de sinistre reçues depuis l’irrégularité de la déclaration.
Cette nullité spéciale de l’article L 113-8 du Code des assurances est en principe, opposable à tout bénéficiaire de la garantie et notamment aux tiers lésés dans les assurances de responsabilité, qui ne peuvent pas par conséquent prétendre à une indemnité d’assurance.
Cependant, ce principe doit être nuancé.
En effet, dans le cadre de l’assurance de responsabilité civile, la victime pourra obtenir une condamnation de l’assureur à lui verser une provision, et ce n’est qu’en obtenant une décision établissant la nullité du contrat d’assurance, que l’assureur pourra agir en restitution.
Par ailleurs, dans le cadre de l’assurance de responsabilité automobile obligatoire, rappelons la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, par laquelle il a été jugé que l’assureur ne peut opposer une exception de nullité au tiers victime. (CJUE, 6e Ch., 20 juill. 2017, aff. C-287/16, Fidelidade-Companhia de Seguros SA, RGDA 2017, p. 536, note Parléani G.,).
L’assureur peut également exercer une action en nullité prévue par le droit commun des contrats sur le fondement de l’article 1137 nouveau du Code civil. Il s’agit dans ce cas du dol pour lequel la nullité est encourue. (Cass. civ 1, 13 févr. 1996 RGDA 1996. 280, note Maury)
Cependant, le recours à l’article 1137 du Code civil suppose nécessairement que l’assureur ait posé une question à l’assuré.
Rappelons, également, qu’un assureur ne peut se prévaloir des sanctions prévues aux articles L113-8 et L113-9 du Code des assurances, lorsqu’un agent général ou son préposé avait eu connaissance lors de la souscription du contrat de la déclaration fausse ou inexacte de l’assuré. (Cass. civ 1, 23 nov. 1999, n° 97-15.319) De même, lorsque la fausse déclaration résulte des erreurs du rédacteur qui représente l’assureur, ce dernier doit supporter les conséquences de ses erreurs et la sanction est, par là-même, écartée. (Cass. civ 3., 23 févr. 2017, n°15-29.184)
B) Le possible maintien du contrat d’assurance
En cas de fausse déclaration par un assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie, les sanctions sont prévues par l’article L113-9 du Code des assurances.
Ce texte d’ordre public écarte la nullité du contrat d’assurance et prévoit des sanctions diverses selon que l’irrégularité de la déclaration est constatée avant ou après la survenance du sinistre.

Ainsi, lorsque l’irrégularité de la déclaration est constatée avant la survenance d’un sinistre, l’assuré est sanctionné par une majoration du montant de la prime, qu’il peut cependant ne pas accepter.
Dans un tel cas, le contrat d’assurance sera résilié.
En effet, l’alinéa 2 dudit article confère une option à l’assureur, qui peut :
- Soit « maintenir le contrat moyennant une augmentation de prime acceptée par l’assuré » et dans ce cas, il faut constater l’accord entre l’assuré et l’assureur sur le nouveau montant de la prime.
- A défaut d’accord, l’assureur, et l’assureur seul, peut résilier le contrat d’assurance. (Ass. ch. réuni., 8 juill. 1953, RGAT 1953, p. 223, note Besson A.)
- Soit « résilier le contrat dix jours après notification adressée à l’assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime pour le temps où l’assurance ne court plus » par là-même, le sinistre survenu avant l’expiration du délai de dix jours sera garanti.
- De plus, l’assureur sera tenu de rembourser les primes avancées par l’assuré pour la période non garantie du fait de la résiliation du contrat d’assurance anticipée.
La décision de l’assureur n’est pas enfermée dans un délai. Cependant, il devra agir en justice pour la reconnaissance de l’irrégularité de la déclaration afin que l’article L 113-9 du Code des assurances soit mis en application ; étant précisé qu’il sera tenu compte de la prescription biennale dont le point de départ se situe au jour de la connaissance de l’irrégularité de la déclaration.
Lorsque l’irrégularité est constatée après la survenance du sinistre, la sanction de l’assuré consistera en la réduction proportionnelle (taux de primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues) du montant de l’indemnité.
En effet, l’alinéa 3 dudit article prévoit que le contrat d’assurance est maintenu mais la fausse déclaration par l’assuré est sanctionnée par l’établissement d’une règle proportionnelle de prime, qui se traduit par une « réduction de l’indemnité en cas de sinistre ».
Concrètement, la réduction se fait par rapport au taux de prime qui aurait dû être appliqué si le risque avait été correctement déclaré.
Quelques questions néanmoins concernant les contrats multirisques, dans lesquels l’irrégularité de la déclaration est appréciée risque par risque :
Dans ce cadre, il apparaît que, si l’irrégularité a concerné un risque, mais c’est un autre qui s’est réalisé, la règle proportionnelle n’a pas à être appliqué à l’indemnité due au titre de ce dernier (Cass. 1re civ., 8 juil. 1997, n°95-17.069, RGDA 1997, p.1012, note Mayaux L.).
Cette réduction proportionnelle est opposable à l’assuré, aux bénéficiaires du contrat et aux tiers victimes, à l’exception des victimes d’accident de la circulation ou à leurs ayants droit (Cass. civ 2, 17 avr. 2008, n° 17-13.053).
La fausse déclaration n’entraîne donc pas toujours la nullité du contrat d’assurance.
Notre Cabinet est à votre disposition pour faire valoir vos droits et faire en sorte que votre sinistre soit indemnisé dans le respect des dispositions des articles L113-8 et L113-9 du Code des assurances.