Téléphone

04 97 030 030

Horaires d'ouverture

8h00 à 19h30 - samedi 8h00 à 12h00

La prise d’acte de rupture du contrat de travail en 7 questions / Réponses.

Connaissez-vous vos droits et vos devoirs ?

Bien comprendre la prise d’acte de rupture du contrat de travail pour la mettre en œuvre ou s’y opposer et … faire valoir ses droits.

Après quelques minutes de lecture, vous saurez tout sur la prise d’acte du contrat de travail.

1- Qu’est-ce qu’une prise d’acte ?

Il s’agit du mode de rupture du contrat de travail réservé au salarié qui reproche des manquements suffisamment graves à son employeur de sorte qu’ils rendent impossible la poursuite de l’exécution du contrat de travail.

La jurisprudence de la Cour de cassation est constante sur la réunion de ces 2 conditions :

  • Les manquements suffisamment graves,
  • L’empêchement de la poursuite du contrat de travail

(Cass. Soc. 20 juin 2018 n°16-21.906)

La prise d’acte est consacrée, à ce jour, par un cadre jurisprudentiel.

Ainsi le salarié décide, à tort ou à raison, de rompre son contrat de travail et considère que l’employeur est responsable de cette rupture pour ne pas avoir respecté ses obligations.

 Le salarié prend donc l’initiative de la rupture mais considère que celle-ci ne lui est pas imputable.

 Il convient de distinguer ce mode de rupture du contrat de travail qui met fin immédiatement à la relation de travail de la résiliation judiciaire du contrat de travail ; dans ce dernier cas, le salarié ne rompt pas le contrat de travail, continue à l’exécuter et saisit le Conseil de prud’hommes afin que les juges se prononcent sur l’éventuelle responsabilité de l’employeur dans exécution de ses obligations et prononcent la rupture aux torts de celui-ci.

2- Qui peut faire une prise d’acte ?

La prise d’acte est réservée aux salariés.

L’employeur ne peut utiliser ce mode de rupture et, s’il veut faire cesser la relation de travail, il doit engager une procédure de licenciement.

Tout salarié en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour des manquements suffisamment graves du chef d’entreprise.

Il en est de même pour tout salarié en contrat de travail à durée déterminée (CDD). Dans ce cas, c’est la loi, et plus exactement l’article L1243-1 du code du travail qui autorise ce mode de rupture mais uniquement pour faute grave de l’employeur.

Les dispositions relatives à la rupture du contrat de travail ne sont pas applicables pendant la période d’essai.

Toutefois, le salarié pourra rompre la période d’essai, en cas de manquement grave de l’employeur, et pourra faire constater par le juge le caractère abusif de la rupture de la période d’essai pour obtenir réparation de son préjudice.

Un salarié titulaire d’un mandat de représentant du personnel peut aussi prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits reprochés au chef d’entreprise.

Il pourra alors bénéficier d’une indemnité égale aux salaires qu’il aurait du percevoir jusqu’à la fin de la période de protection. (Cass. Soc., 12 novembre 2015, n°14-16.396)

3- Comment faire une prise d’acte ?

Aucun formalisme n’est exigé.

Elle peut être orale ou écrite.

Il est néanmoins judicieux de faire cette démarche par écrit auprès de l’employeur, par lettre recommandée avec accusé réception, en mentionnant clairement les motifs de la prise d’acte c’est-à-dire les griefs faits à l’employeur.

La prise d’acte de la rupture du contrat peut être présentée par l’avocat du salarié agissant en son nom. (Cass. Soc., 4 avril 2007 n°05-42.847)

La prise d’acte n’a pas à être précédée d’une lettre de mise en demeure de mettre fin aux manquements qui sont reprochés.

La prise d’acte n’est donc pas soumise aux dispositions du code civil relatives à la résiliation des contrats.

Toutefois le salarié doit impérativement informer le chef d’entreprise de ses démarches et, de ce fait, il ne peut se contenter de cesser le travail et de saisir le Conseil de prud’hommes d’une demande de prise d’acte de rupture de son contrat de travail.

La saisine du Tribunal ne vaut pas prise d’acte. (Cass. soc 16 mars 2016 n° 15-12.493)

4- Quelles sont les effets de la prise d’acte ?

Le contrat de travail est rompu immédiatement et le salarié n’est pas tenu d’effectuer son préavis.

Dès lors qu’elle intervient, elle ne peut être rétractée. (Cass. Soc., 14 avril 2009, n°08-42.878

La rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié sont démontrés ; peu importe le fait que le salarié ait demandé à être dispensé du préavis.

La rupture pourra produire les effets d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, par exemple lorsque la prise d’acte est fondée sur une discrimination, sur un harcèlement moral, lorsqu’elle intervient alors que le contrat de travail est suspendu à la suite d’un accident du travail ou lorsqu’elle émane d’un salarié protégé, par exemple.

Il convient de de préciser que dans ce cas de nullité, le salarié ne pourra pas faire valoir son droit à réintégration ; la Cour de cassation considérant que l’impossibilité de la rétractation de la prise d’acte exclut ladite demande de réintégration (Cass. Soc. 29 mai 2013 n° 12-15.974).

Si la preuve des manquements suffisamment graves de l’employeur (CDI) ou de la faute grave de celui-ci dans l’exécution de ses obligations (CDD) n’est pas rapportée, la rupture produira les effets d’une démission.

Le choix qui s’offre au salarié de prendre acte de la rupture ou de ne pas prendre acte  de la rupture est délicat car, si les conditions ne sont pas réunies, il risque d’être considéré comme démissionnaire, et il ne pourra alors prétendre à des indemnités de rupture, et notamment à des indemnités de licenciement.

Surtout, il pourra perdre son droit à l’assurance chômage.

L’employeur ne reconnaissant pas les motifs de la rupture évoqués par le salarié conduira alors ce dernier à saisir le Conseil de prud’hommes.

En pratique, il remettra au salarié les documents sociaux suivant :

  • Le certificat de travail,
  • L’attestation pôle Emploi
  • Le solde de tout compte.

Généralement, il accusera réception de la prise d’acte du salarié, et dans sa lettre, contestera formellement les griefs portés par le salarié.

Cela ne constitue en rien une obligation mais il sera judicieux pour lui d’agir de la sorte.

Il fera figurer le motif exact de la rupture du contrat de travail sur l’attestation pôle emploi. Il précisera « prise d’acte » et les raisons de cette dernière.

C’est cela qui conduira alors le salarié à agir et à saisir la justice pour obtenir une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis s’il n’a pas exécuté son préavis ainsi que la réparation du préjudice causé.

Le fait que sa qualité de démissionnaire ne lui permette pas de faire valoir ses droits à l’assurance chômage l’amènera, aussi souvent, à saisir la justice.

5- Dans quels cas la prise d’acte est-elle justifiée ?

Quelques exemples attestant d’une prise d’acte justifiée :

Les modifications contractuelles imposées aux salariés peuvent justifier la prise d’acte.

Il pourra s’agir ainsi d’une modification de la rémunération contractuelle, de la modification du secteur d’activité d’un VRP, de la modification de fonction, du retrait de responsabilités, le passage imposé d’un temps plein à un temps partiel, la suppression unilatérale d’un véhicule de service….

Le non-respect des obligations contractuelles peut également la justifier.

Il pourra s’agir du non-paiement du salaire et des primes.

Deux mois de retard ont ainsi été qualifiés de suffisants.

Le défaut de maintien du salaire, en cas d’arrêt maladie, peut également justifier la rupture.

Le fait de ne pas régler des heures supplémentaires, le fait de ne pas reconnaître la qualification réelle du salarié, le non-respect du repos hebdomadaire, l’atteinte aux libertés individuelles par l’utilisation illicite d’un dispositif de géolocalisation…autant de manquements pouvant justifier une prise d’acte.

Le manquement de l’obligation de sécurité peut également justifier une prise d’acte

Il pourra s’agir de mesures vexatoires, d’agissements constitutifs d’atteintes à l’intégrité physique, d’agissements constitutifs de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel…

Il en est de même du fait d’imposer à un salarié une charge de travail excessive et des méthodes de management brutales à l’origine d’une dégradation des conditions de travail et d’une altération de l’état de santé physique et psychique du salarié (Cass. soc 9 décembre 2015 n°14-23.355)

Quelques exemples attestant d’une prise d’acte injustifiée :

Concernant les prises d’acte injustifiées, il y a lieu de rappeler qu’un ou plusieurs manquements ne suffisent pas à entraîner la requalification de la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié doit démontrer que ce manquement est suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Un manquement ponctuel par exemple peut parfois ne pas légitimer une prise d’acte aux torts de l’employeur.

Par ailleurs, le salarié ne peut justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par des faits dont il n’avait eu connaissance que postérieurement à la prise d’acte (Cass. soc 9 octobre 2013 n°11-24.457)

Il a été considéré que le non règlement du salaire par une association en difficulté ne revêtait pas un manquement suffisamment grave pouvant entraîner la requalification de la prise d’acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La carence de courte durée dans le paiement, dès lors qu’était mise en œuvre la garantie des créances salariales liée à l’insolvabilité de l’entreprise, ne justifie pas une prise d’acte : L’acte de rupture s’analyse alors en une démission.

Une erreur matérielle dans le calcul du salaire ou le défaut de maintien de salaire pendant un arrêt de travail constituant un manquement ponctuel et isolé ne justifie en rien l’initiative du salarié.

Il en est de même d’un retard de 2 mois pour l’organisation de la visite médicale à la suite d’un différend entre le service de médecine du travail et l’employeur ou de l’absence de visite médicale d’embauche liée à une négligence de celui-ci.

Autre exemple : L’employeur qui a rencontré des difficultés pour reclasser le salarié a commis une faute en ne reprenant pas le paiement du salaire.

La faute n’est néanmoins pas d’une gravité suffisante pour justifier la rupture à ses torts…

Attention : Parfois la bonne volonté du chef d’entreprise sera prise en compte pour écarter la gravité du manquement.

Il sera également apprécié la vitesse de réaction du salarié qui peut agir … trop promptement.

L’antériorité des faits reprochés à l’employeur peut être prise en compte : Le manquement peut être ancien, et par là même, peut permettre à la juridiction sociale de considérer qu’il n’avait pas empêché la poursuite du contrat de travail…

Exemple : Le non-paiement des heures supplémentaires lorsque le salarié a tardé à demander la régularisation de sa situation…

6- Comment la prise d’acte est-elle appréciée par les juges ?

Pour faire valoir ses droits le salarié doit saisir le Conseil de prud’hommes.

En vertu des dispositions de l’article L1471-1 du code du travail, il doit le faire dans le délai de 12 mois à compter de la notification de la rupture.

Le bureau de jugement est saisi directement (sans obligation de tentative de conciliation) et il a un délai d’un mois pour rendre un jugement. (L1451-1 du Code du travail)

La lettre par laquelle le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu’il reproche au chef d’entreprise ne fixe pas les limites du litige. (Cass. soc 18 avril 2008 n°06-45.561)

Ainsi, le bureau de jugement est tenu d’examiner les manquements de l’employeur invoqués par le salarié, quand bien même ils n’auraient pas été mentionnés dans la lettre de rupture.

C’est au salarié, et à lui seul, qu’il incombe d’établir les griefs à l’encontre de l’employeur.

 S’il n’est pas en mesure de le faire, ou s’il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l’appui de sa prise d’acte, celle-ci produit les effets d’une démission.

Ici, le doute profite donc à l’employeur.

Il convient toutefois de noter que la charge de la preuve est aménagée dans certains cas.

Ainsi la charge de la preuve n’incombe ni à l’entreprise ni au salarié concernant l’exécution d’heures supplémentaires à l’origine des griefs.

De la même façon, si le manquement soulevé est une situation de discrimination ou de harcèlement moral ou sexuel, le régime de preuve propre à ces manquements s’applique.

Enfin, la Cour de cassation considère que la prise d’acte de la rupture entraînant la cessation immédiate du contrat de travail, le juge n’est plus tenu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.

7- Quelles sont les conséquences d’une prise d’acte reconnue par les juges 

Rappelons que si les manquements reprochés ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère suffisamment grave, la prise d’acte produit les effets d’une démission.

Dans ce cas, ladite démission n’ouvre droit pour le salarié à aucune indemnité de rupture et ce dernier peut même être condamné à verser à l’entreprise une indemnité pour non-respect du préavis, s’il ne l’a pas exécuté.

(Cass. Soc., 31 mars 2016, n°14-28.217)

En cas de prise d’acte reconnu par le juge, celle-ci produit les effets d’un  licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié qui ne peut pas demander sa réintégration peut alors prétendre aux indemnités suivantes :

  • Une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
  • Une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,
  • Une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant est fixé par le barème défini par l’article L1235-3 du code du travail.

Si le juge requalifie la prise d’acte en un licenciement nul, c’est l’article L1235-3-1 du code du travail qui s’applique : Le barème est alors écarté au profit d’une indemnité minimale qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

L’entreprise peut être condamnée à verser des dommages et intérêts supplémentaires pour préjudice distinct si les circonstances qui ont contraint le salarié à la prise d’acte constituent des mesures vexatoires ou des actes de harcèlement moral, par exemple. (Cass. soc 16 mars 2010 n°08-44.094)

Il peut même être condamné à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées au salarié en vertu de l’article L1235-4 du code du travail.

Enfin, il faut savoir que le salarié ne pourra prétendre au règlement d’une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, une telle indemnité ne pouvant être accordée que si le contrat a été rompu dans le cadre d’une procédure de licenciement.

(Cass. Soc., 19 octobre 2016, n°14-25.067)

Articles recommandés