Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L 4121-1 du Code du travail « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés » et il doit veiller à « l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
Concrètement, il appartient donc au chef d’entreprise, afin de préserver la santé des salariés de procéder à diverses démarches, à savoir :
- Evaluer les risques encourus sur les lieux de travail,
- Déterminer les mesures de prévention qui s’imposent,
- Solliciter l’avis des représentants du personnel, à cette fin au CHSCT,
- Faire appel aux services de la médecine du travail pour être conseillé, s’il le faut.

En France, dans le contexte, de l’épidémie du Coronavirus, au-delà des dispositions du code du travail, le gouvernement a apporté des recommandations nationales pour protéger la santé des salariés et assurer leur sécurité.
L’obligation pour l’employeur, de faire respecter les « gestes barrières » recommandés par les autorités sanitaires est, ainsi, incontournable.
On peut considérer que le fait que le chef d’entreprise ne mette pas en œuvre les recommandations du gouvernement peut justifier, pour le travailleur, l’exercice du droit de retrait.
L’employeur n’est pas le seul concerné. Le travailleur doit non seulement assurer sa propre protection mais aussi assurer celle des tiers.
Avec l’épidémie Coronavirus, le droit de retrait des salariés n’a jamais autant été la préoccupation du monde du travail que ce soit pour les salariés ou pour les employeurs.
La mise en œuvre du droit de retrait, à LYON, par 5 livreurs d’une société sous-traitante de la société CARREFOUR, lors de l’épidémie du COVID19, au mois de mars 2020, en est une illustration.
La mise en œuvre du droit de retrait par le salarié est toujours délicate.
En effet, il appartient à celui-ci, avant de prendre sa décision, de vérifier que toutes les conditions lui permettant de ne plus travailler sont justifiées
Les conséquences pour le salarié, en cas de retrait injustifié, peuvent être grave pour celui-ci puisqu’au-delà du fait qu’il peut ne plus être réglé de son salaire pour cette période, il s’expose à une procédure disciplinaire pouvant même entrainer licenciement.
Selon une étude de la DARES d’avril 2013,12 % des salariés, en France, avaient exercé leur droit de retrait au cours des 12 derniers mois ; ces retraits concernaient tous les secteurs d’activité et toutes les catégories professionnelles.
Nul doute que ces statistiques seront revues à la hausse, pour l’année 2020, du fait de la période exceptionnelle des mois de mars, avril et mai, relative à la crise sanitaire du Coronavirus.
Dans quelle situation le salarié peut-il exercer son droit de retrait ?
C’est l’article L 4131–1 du Code du travail qui détermine les principes du droit de retrait, à savoir que « le salarié alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation… »
Le salarié doit justifier d’un « motif raisonnable de penser »
L’article L 4131–1 du Code du travail n’exige pas que la preuve du danger soit rapportée par le salarié. Il suffit, pour celui-ci, qu’il ait pu se croire en danger et qu’il rapporte la preuve de cette croyance. Cela peut être tout un art…
La bonne foi sera, évidemment, prise en compte par le tribunal.
L’appréciation du juge est souveraine et elle se fera « in abstracto » au regard du comportement qu’aurait pu avoir un autre salarié placé dans la même situation.
Les rédacteurs de l’article L 4131–1 ont employé le temps de l’indicatif présent. C’est dire combien ils ont souhaité insister sur l’obligation qu’a le salarié d’alerter l’employeur immédiatement.
Ainsi, le retrait n’est qu’une faculté, un droit, mais l’alerte du chef d’entreprise constitue une obligation, un devoir, pour le salarié.
Qu’appelle-t-on « un danger grave et imminent » ?
Le législateur s’est bien gardé de définir le danger grave et imminent que doit justifier le salarié.
Une définition est impossible à donner en l’état de la diversité des situations.
C’est le juge qui appréciera la situation qui lui est soumise et considérera ou ne considérera pas que le retrait s’imposait en l’état d’un « danger grave et imminent ».
Il s’agit, de nouveau, du pouvoir souverain du juge.
La jurisprudence fournit quelques exemples où le Conseil de Prud’hommes puis les Cours d’appel ont, sans ambiguïté, rejeté, la pénibilité du travail comme justificatif au droit de retrait.
De la même façon, il a été jugé à maintes reprises qu’une situation d’inconfort ou de nuisance tenant à des conditions de travail normales ne permettait pas aux salariés de faire application de leur droit de retrait.
Les fonctions à risque peuvent poser un problème : Le risque inhérent à la fonction de convoyeur de fonds, accepté par le travailleur, ne saurait justifier à lui seul un droit de retrait. Ainsi, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, n’a pas reconnu un droit de retrait, en l’absence de menaces particulières d’agression auxquelles auraient été exposés les convoyeurs de fonds et alors que le chef d’entreprise avait respecté toutes les mesures de sécurité qui s’imposaient à lui. (Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE 8 novembre 1995 JCPE 1996 II 859)

L’extériorité du danger est-elle une condition au droit de retrait ?
La jurisprudence considère que le danger peut trouver son fondement dans la personne même du salarié qui peut alors refuser d’exécuter le travail.
Tel est le cas lorsque que le salarié considère que les prescriptions du médecin du travail, à son égard, n’ont pas été respectées par l’employeur.
Un salarié d’une société de gardiennage s’est vu reconnaître un droit de retrait du fait de son état de santé qui ne lui permettait pas d’occuper son poste et alors que les conditions de travail le mettaient en contact avec des animaux ou des produits chimiques préjudiciables à ses facultés de respiration.
Le retrait a été d’autant plus reconnu, dans ce cas, que les conditions de travail imposées aux salariés étaient contraires aux prescriptions du médecin du travail.
(Cass soc 20 mars 1996 numéro 93–40.111)
C’est donc au travailleur qu’il appartient de justifier la situation de danger grave et imminent et au juge en second lieu, s’il est saisi, de l’apprécier.
Comment le salarié peut-il exercer son droit de retrait ?
La procédure est simple et rapide mais … risquée
Le travailleur peut cesser le travail.
Il n’a pas alors à demander l’autorisation au chef d’entreprise de quitter son poste de travail.
Une seule obligation pour lui : Informer l’employeur.
En pratique, il le fera par écrit, par mail, ou SMS.
Il faut, néanmoins, savoir qu’aucun formalisme n’est imposé par la loi. Ainsi, la Cour de cassation a admis que l’utilisation du droit de retrait pouvait revêtir un caractère implicite et il a été admis que le salarié pouvait utiliser « de fait » son droit de retrait. (Cass soc 2 mars 2010 n°08–45.086)
En tout état de cause, un règlement intérieur ne saurait imposer au salarié de signer une déclaration ou un quelconque écrit. La Cour de cassation a eu l’occasion de le rappeler, en considérant que cette obligation d’écrit était de nature à restreindre l’usage du droit de retrait. (Cass soc 28 mai 2008 n° 07–15.744)

Il faut aussi noter que le salarié a la possibilité d’informer les représentants du personnel du danger, le Comité Economique et Social (CSE) et notamment le Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), en sus de l’information de l’employeur.
Le salarié n’est pas tenu d’informer le CHSCT ou le CSE, il peut parfaitement se contenter d’informer l’employeur.
Le droit de retrait peut être exercé individuellement.
Il peut être exercé, également, de façon collective. Tel a été le cas de plusieurs agents de transport public qui avait refusé de reprendre le travail pendant 2 jours, à la suite de l’agression d’un contrôleur, les agresseurs n’ayant pas été interpellés (Cass soc 22 octobre 2008 n° 07–43.740)
Une mise en garde néanmoins : Constitue l’exercice du droit de grève et non du droit de retrait l’arrêt de travail décidé par des travailleurs. Ces derniers, en effet, avaient cru pouvoir accompagner leur refus d’exécuter un ordre dangereux pour leur santé et leur vie par …une revendication professionnelle consistant à obtenir le bénéfice d’un chômage pour intempéries.
Enfin, il faut savoir que le droit de retrait ne peut être exercé que durant l’exécution du contrat de travail et, de ce fait, est incompatible avec un arrêt maladie.
Le droit de retrait : Un risque partagé
Si le salarié s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, il ne pourra voir sa rémunération amputée et ne pourra faire l’objet d’aucune sanction.
Si, tout au contraire, l’employeur ou le juge saisi en second lieu, considère que le droit de retrait a été appliqué par le salarié « à la légère », ce dernier pourra, alors, voir sa rémunération réduite du temps de son absence et faire l’objet d’une sanction disciplinaire.
En cas de retrait injustifié, la retenue sur salaires liée à l’absence du salarié à son poste de travail sera alors proportionnelle à la durée de l’absence (Cass soc 11 juillet 1989 numéro 86–43.497)
Le fait que le salarié soit resté à la disposition du chef d’entreprise n’aura aucune incidence sur la retenue.
L’employeur n’est pas contraint de saisir le tribunal avant de procéder à la retenue sur salaire.
Il est, dans premier temps, celui qui apprécie si le droit de retrait est justifié et qui, en cas de contestation, peut pratiquer la retenue sur salaire, avertir le salarié, prononcer une mise à pied, et même, rompre le contrat de travail.
Il faut toutefois noter que le licenciement n’est jamais qualifié de licenciement pour faute grave et intervient généralement pour cause réelle et sérieuse. (Cass soc 17 octobre 989 n° 86–43.272)
En appliquant son droit de retrait le salarié prend des risques.
L’employeur n’en est pas moins exempt en pratiquant une retenue sur salaire ou en sanctionnant le salarié par la rupture du contrat de travail.

En effet, non seulement le salarié pourra saisir la juridiction des référés afin de faire valoir ses droits, si la situation s’y prête (dans le cas d’un danger grave et imminent constaté par le CHSCT), pour obtenir le paiement des salaires mais bien plus celui-ci pourra saisir le conseil de prud’hommes pour faire constater la nullité du licenciement prononcé pour un motif lié à l’exercice justifié de son droit de retrait.
Dans ce dernier cas, le licenciement est alors nul et la Cour de cassation considère, au nom de l’obligation de sécurité de résultat dont l’employeur doit assurer l’effectivité, que le licenciement est dépourvu de tout effet et que, par conséquent, le salarié est en droit de demander sa réintégration à son poste ou à un poste équivalent et demander le paiement des salaires qu’il n’a pas perçu avant sa réintégration.
Par ailleurs, du fait de la nullité du licenciement, et si le salarié ne souhaite pas être réintégré, il pourra demander des indemnités de rupture et des dommages-intérêts qui seront au moins égal à 6 mois de salaires.
Bien plus, en cas de non-paiement des salaires trouvant son fondement dans la mauvaise appréciation par l’employeur du droit de retrait exercé par le salarié, ce dernier a même la possibilité de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur ; rupture qui aura les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass soc 1er juillet 2009 n° 08–42.0 74)
Enfin, il convient de rappeler que le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour tout salarié qui serait victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors que lui-même ou un membre du CHSCT aurait signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé (article L4131–4 du Code du travail)
La consultation d’un avocat, avant de prendre la décision d’exercer un droit de retrait (pour un salarié) ou avant de sanctionner un salarié pour une absence qui ne serait pas justifié par le droit de retrait (pour un employeur) doit évidemment être envisagée.
Le cabinet Emmanuel PARDO est à votre disposition pour toute information ainsi que pour vous assister dans le cadre de toutes procédures judiciaires destinées à faire respecter vos droits.
AVERTISSEMENT : Cet article a pour unique objet d’intéresser l’internaute sur une question juridique. Il n’a aucun caractère exhaustif et sa lecture ne saurait se substituer à l’indispensable consultation d’un professionnel du droit, tel qu’un avocat, à même d’appréhender les spécificités d’une situation factuelle.