En droit du travail, la rupture du contrat de travail peut, parfois, trouver son fondement dans une faute du salarié.
Dans cette hypothèse, le licenciement des salariés découle du pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Ainsi, des lors que le salarié viole de façon injustifiée une obligation professionnelle, il commet une faute disciplinaire qui permet à l’employeur de prononcer une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
Comment définir la faute grave ?
Il existe plusieurs types de fautes classées par degré de gravité selon la violation des obligations professionnelles.

La faute peut être qualifiée de légère, simple, grave ou lourde.
Seule une faute sérieuse, grave ou lourde peut entrainer la rupture du contrat de travail.
Il appartient à l’employeur, après avoir déterminé si le salarié a commis une faute d’en apprécier la gravité pour pouvoir prononcer la sanction adéquate.
La faute grave est une notion de fait appréciée au cas par cas par le Conseil de Prud’hommes.
C’est la jurisprudence qui a déterminé la notion de faute grave.
Ainsi, selon la Cour de cassation la faute grave « résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou de sa fonction, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans la société pendant la durée du préavis théorique ». (Cass. Soc. 27 septembre 2007, n°06-43-867)
C’est pourquoi, la rupture du contrat de travail doit intervenir immédiatement, sans l’accomplissement d’un préavis.
A défaut, si l’employeur vient à faire exécuter le préavis, il ne peut, pour les mêmes faits invoquer une faute grave.
Quelles sont les conséquences d’un licenciement pour faute grave ?
Le licenciement pour faute grave, aux termes des dispositions des articles L1234-1 et L1234-9 du Code de travail, prive le salarié du préavis et de l’indemnité y afférente, ainsi que de l’indemnité de licenciement.
Cependant il existe quelques exceptions :
En effet, la faute grave ne peut pas priver le salarié de l’indemnité de préavis lorsque le contrat de travail ou la convention collective applicable prévoient la privation de ladite indemnité seulement en cas de faute lourde. (Cass. Soc. 28 février 2001, n°98-44.454)
De même, lorsque le contrat prévoit que le préavis est dû, en cas de rupture, quelle qu’en soit la raison, l’employeur ne peut pas priver le salarié de cette indemnité. (Cass. Soc. 1er octobre 2003, n°01-43.601)

Attention, contrairement à ce qu’il est souvent prétendu : le licenciement pour faute grave est sans conséquence sur l’application de la clause de non concurrence et elle ne dispense pas l’employeur de régler sa contrepartie financière.
Concrètement, quels sont les comportements pouvant caractériser une faute grave ?
La notion de faute grave recouvre des comportements différents qui perturbent la bonne marche de l’entreprise.
Il peut s’agir des comportements suivants :
- Les violences et les menaces : Les menaces de mort constituent toujours une faute grave, mais dans certains cas, lorsque le salarié a été provoqué de façon significative, la faute grave peut être écartée, si la réaction du salarié n’a pas été disproportionné.
- Les injures : constituent souvent une faute grave, notamment lorsqu’elles sont adressées à un supérieur hiérarchique en présence des tiers.
Toutefois, un milieu professionnel particulier, peut, parfois, permettre d’écarter la faute grave. - Les vols et les malversations : Constituent une faute grave, notamment lorsque qu’ils portent préjudice à l’entreprise et lorsque le détournement est important
- L’abandon de poste non justifié : les absences du salarié répétées ou de longue durée, et non justifiées, perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise et constituent, par conséquent, une faute grave
- L’insubordination : La faute grave peut être caractérisée lorsque le salarié ne respecte par le règlement instauré par l’employeur concernant notamment le port d’une tenue ou la consommation d’alcool, lorsque le salarié refuse d’exécuter la tâche qui fait partie de ses attributions.

Il est important de rappeler que la faute grave s’apprécie au cas par cas, selon les circonstances, la fonction, l’ancienneté et le niveau de formation du salarié.
Ainsi, plus le salarié sera placé de façon élevée dans la hiérarchie, moins l’appréciation de la faute sera indulgente.
À noter, qu’une même faute ne peut être sanctionnée plusieurs fois. À défaut, le licenciement pourra être qualifié de licenciement abusif.
Aucun fait fautif ne peut entraîner de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits.
De la même façon, l’employeur ne peut plus invoquer de sanctions à l’appui de faits fautifs, si plus de trois ans les séparent.
A qui incombe la preuve de la faute grave ?
C’est à l’employeur qu’il appartient de démontrer un manquement grave aux obligations du salarié dans l’exécution de son contrat de travail.
Le motif du licenciement doit être réel.
Ce qui veut dire qu’il doit être existant, exact et objectif.
Ainsi, ce qui est reproché aux salariés doit être matériellement vérifiable.
La preuve du motif de licenciement peut être rapportée par tous moyens.
Une limite toutefois : la preuve doit être rapportée en utilisant des moyens respectant les droits fondamentaux et les libertés individuelles.
C’est pourquoi, l’employeur, ne peut contrôler l’activité de ses salariés sans les informer préalablement.
Généralement, les faits tenant à la vie personnelle du salarié ne peuvent pas donner lieu à un licenciement pour faute grave ;
Quelques exceptions, néanmoins, puisque la jurisprudence admet que certains faits puissent constituer un manquement aux obligations découlant du contrat de travail, notamment lorsque la sécurité des clients de l’entreprise concernée est en jeux.
Ainsi, a été admis le licenciement pour faute grave d’un salarié d’un centre de jeunesse qui détenait des photos pédopornographiques, ou encore le licenciement pour faute grave d’un pilote d’une compagnie aérienne qui avait consommé des stupéfiants avant la reprise de son travail.
L’employeur peut également se placer sur un plan non disciplinaire, en rapportant la preuve que le fait tiré de la vie personnelle a provoqué un trouble objectif caractérisé dans le fonctionnement de l’entreprise.
Concernant les formes de preuve de la faute grave : La preuve de la faute grave peut être rapportée par tous moyens.
Il peut donc s’agir d’attestations, de témoignages, d’échanges de correspondances, de mail, de SMS et même d’enregistrements de la conversation téléphonique à partir de moment où l’interlocuteur en est informé.
Il peut même s’agir de documents appartenant à l’entreprise.

Comment se déroule la procédure de licenciement pour faute grave ?
La procédure du licenciement pour faute grave peut comporter 7 étapes :
- La vérification de la réalité des faits, de leur étendu et des circonstances : La procédure doit être engagée dans les plus brefs délais sous peine de disqualification de la faute grave.
- L’éventuelle notification de la mise à pied conservatoire : Il s’agit d’une mesure conservatoire, concomitante à la procédure de licenciement, qui intervient dans « l’attente de la décision de l’employeur sur le prononcé de la sanction disciplinaire ».
- Selon la jurisprudence, c’est une mesure qui permet à l’employeur d’écarter le salarié, à priori fautif, de l’entreprise, le temps pour le chef d’entreprise… d’éviter de nouveaux agissements graves de la part du salarié et de mener ses investigations sur les faits reprochés à ce dernier.
- La convocation à l’entretien préalable : Elle doit être écrite et comporter des mentions obligatoires, à défaut la procédure est irrégulière. Ainsi, la convocation doit indiquer l’objet de l’entretien et notamment le fait qu’un licenciement peut être prononcé ; la date et l’heure de l’entretien, le lieu et la possibilité pour le salarié de se faire assister.
- La tenue de l’entretien préalable
- La notification de licenciement : L’employeur doit décrire en détail les faits reprochés au salarié et préciser que la sanction prise à son encontre rend impossible l’exécution du préavis.
- Le solde de tout compte et le départ du salarié
La jurisprudence est attentive au fait que la procédure de licenciement doit être engagée rapidement, et seul, le temps nécessaire, parfois, à la vérification des faits ou à l’appréciation de la gravité peut amener le juge à ne pas sanctionner le retard constaté.
La faute grave et la suspension du contrat de travail pour maladie, maternité, accident du travail ou maladie professionnelle
En cas de licenciement pour faute grave, l’employeur peut convoquer le salarié pendant son arrêt de travail.
Cette possibilité est offerte à l’employeur en raison de la prescription des faits fautifs.
Concernant le congé de maternité, la salariée bénéficie d’une protection absolue pendant la période de grossesse.
En effet, aucun licenciement ne peut être notifié ni prendre effet durant cette période.
Cette interdiction s’applique également aux périodes de suspension du contrat de travail dues aux :
- Prolongations pathologiques
- Congés payés pris immédiatement après le congé maternité
- 10 semaines après ces périodes
Toutefois, aux termes de l’article L 1225-4 alinéa 2 du Code de Travail « l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail ».
Il en résulte que l’employeur peut convoquer une salariée en congé maternité à l’entretien préalable lorsqu’une faute grave étrangère à l’état de grossesse a pu être caractérisée, mais n’a aucune possibilité de notifier le licenciement tant que les périodes de suspension ne sont pas arrivées à terme. (Cass. Soc. 16 novembre 2011, n° 10-14.799)
Enfin, rappelons qu’en cas de suspension du contrat de travail du salarié en raison d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, l’employeur peut rompre le contrat de travail lorsqu’une faute grave peut être reprochée au salarié, et ce, en vertu de l’article L1226-9 du Code de Travail.